Compte rendu du colloque
Guingamp 21 octobre 2023
Le 21 octobre dernier s’est tenu à Guingamp un colloque sur la place de la Bretagne dans une Europe fédérale. Trois organisations s’étaient associées pour réaliser cet événement: l’IDBE, le CDF et l’AFB-EKB.
Me Jean Claude SEBAG, avocat et président du CDF a conduit les débats.Trois interventions ont particulièrement intéressé l’assistance.
-l’exemple irlandais de démocratie participative.
-le projet de loi sur une autonomie différenciée des 15 régions italiennes.
-la politique linguistique en Espagne.
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Erwan Fouére, diplomate de profession, nous a démontré qu’au niveau irlandais (5 millions d’habitants) « l’État doit être au service des citoyens et des cités » selon la belle formule du penseur suisse Denis de Rougemont. Jusqu’en 2012 l’Irlande vivait sous la Constitution de 1937 que l’on peut qualifier de traditionaliste sinon archaïque, en tout cas inadaptée aux récentes évolutions de la société irlandaise, l’article 42 traitant du statut de la femme en tout premier .Aussi fut il décidé en 2012 de créer une Convention composée de délégués de chaque parti représenté au Dael (33)et de 66 personnes choisies au hasard sur tout le territoire, le tout présidé par un Universitaire indépendant.Les travaux de cette Convention ont abouti à 42 propositions traitant essentiellement de questions sociétales (divorce, légalisation de minorités, droit à l’avortement etc..) toutes introduites dans la Constitution par référendum. En 2016 cette Convention s’est transformée en « Citizens Assembly » permanente de 99 membres toujours choisis au hasard. Elle s’attaque plus particulièrement aux problèmes de la drogue et du changement climatique.
On le voit , on est loin des deux Conventions de citoyens mis en place par Macron et suivies…d’aucun effet !
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Antoine Andrione du val d’Aoste est venu nous éclairer sur le processus actuellement en cours en Italie pour renforcer les pouvoirs régionaux. Déjà la Constitution de 1948 distinguait deux niveaux pour les régions: un premier groupe administré par les mêmes règles et un second groupe (15 membres) à statut spécial différencié.Le débat actuel a abouti a 23 propositions pour renforcer cette autonomie régionale , chaque membre ayant la possibilité d’obtenir un statut d’autonomie complète.Le tout sera inscrit dans la Constitution. Là encore on mesure combien nos voisins européens sont loin du Jacobinisme et de l’immobilisme à la française.
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Troisième intervention passionnante et certainement « décoiffante » pour des »biberonnés »à l’exclusivité de la langue française à tous les niveaux de la société dans l’hexagone, celle de l ‘ Universitaire et économiste hispanique Elena Carantoña sur la co-officialité des langues autres que le Castillan en Espagne. Son étude concerne trois langues : le Galicien, le Basque, et le Catalan. Première information: alors que le Galicien et le Castillan possèdent une littérature qui remonte au Moyen Age, le Basque (Euskara) a été jusqu’ a la fin du 19ème siècle une langue exclusivement orale. L’article 3 de la Constitution de 1948 , sous l’ère franquiste, actait la présence de ces trois langues à coté du Castillan défini comme langue officielle. La Constitution de 1978 définissait les trois langues précitées comme CO-OFFICIELLES. Cette constitution allait plus loin puisqu’elle confiait leur enseignement aux Régions où elles sont parlées avec une base minimale pour le Castillan. La Galice a choisi le multilinguisme, le Pays Basque le bilinguisme Euskara-Castillan et la Catalogne la priorité au Catalan. Les récentes années ont aussi vu la montée en puissance de l’Anglais. Les résultats au niveau de la pratique quotidienne sont spectaculaires dans les classes jeunes: 80% en Galice, 90% de locuteurs Eskaldunak* dans la classe d’age 10 à 14 ans, 90% chez les Catalans. Ne pas oublier aussi que TV et Radios, visibilité dans l’espace publique ont puissamment contribué au succès de ce « revival » linguistique. Pour mémoire rappelons que la Galice a 2 millions d’habitants, le Pays Basque 3 millions et la Catalogne 8 millions.* désigne les locuteurs parlant le Basque
Leçon à en tirer: l’enseignement et la santé des langues dites « minoritaires » sont bien liés à des décisions politiques.
Une partie de l’après midi a aussi été consacrée aux questionnements des participants .Elles furent nombreuses , souvent incisives. La séparation de la Loire Atlantique avec arguments à l’appui pour démontrer son arbitraire , sans consultation des populations concernées, permit aussi de développer une argumentation solide – pas uniquement basée sur l’Histoire, pour retrouver une Bretagne intégrale.
La question posée par notre vice-président-absence excusée -sur l’importance de revoir le mode de fonctionnement de la construction européenne avant d’accueillir de nouveaux membres permit au modérateur Jean-Claude Sebag de mieux mettre en valeur le contenu de l’autonomie , principe cardinal du Fédéralisme. Les défauts actuels observés dans la marche de l’Union européenne découlent en grande partie de ses institutions : une coalition d’États-nations où c’est le Conseil qui a le dernier mot. A noter qu’il existe dorénavant une structure au sein du Parlement européen qui regroupe des fédéralistes et qui travaille sur une réforme de l’Union européenne.
L’infatigable Yannig Baron , fondateur de Dihun( (enseignement du Breton dans les écoles privées) a démontré, chiffres à l’appui, que seule l’introduction de l’Anglais à coté du Breton et du Français permettra de redresser la barre en Bretagne, bonne dernière si on la compare avec la Corse, l’Alsace ou encore Euzkadi. La démonstration faite par Madame Coroña sur l’intérêt d’une lutte politique pour exiger la co-officialité des langues non-étatiques est sans doute la voie à suivre pour nous Bretons.
Intéressante aussi , l’intervention du dynamique maire d’Evran , confronté au mille-feuille administratif , aux injonctions venues d’en haut et à la misère financière communale. Il note le désintérêt de ses administrés pour « la politique ». Une des premières mesures à prendre serait de fusionner départements et régions.
IDBE: Institut de Documentation Bretonne et Européenne, basé à Guingamp, pallie à l’inexistence d’une Bibliothèque Nationale Bretonne sur le modèle de la Bibliothèque Nationale du Pays de Galles.Ne bénéficie d’aucune subvention !
CDF: Club des Fédéralistes
AFB-EKB: Alliance Fédéraliste Bretonne-Emglev Kevredel Breizh. JL LE MEE. Penn-rener an AFB-EKB
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